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Le beau temps n'était pas de la partie lors du rassemblement pour soutenir le secrétaire départemental de la CGT de l'Allier ce mardi 5 juin. Un temps gris, et puis finalement une pluie régulière, contraignant les manifestant-e-s à se réfugier sous l'immense barnum installé juste devant le tribunal et aux rares endroits qui offraient une protection même sommaire.

 

Les manifestants rassemblés sous le barnum pour éviter la pluie

 

Mais l'ambiance, elle, était bien au rendez-vous, et on ne compte plus les encouragements chaleureux adressés à Laurent Indrusiak. En plus des nombreux militant-e-s de la CGT, très majoritaires, on s'en doute,  des militants du syndicat Solidaires avaient aussi fait le déplacement, dont deux étaient particulièrement visibles avec leur chasuble Solidaires sur le dos. Plus loin des militants de la France insoumise avec leur badge, des militants du PCF et des élus étaient aussi présents. Sur les côtés de la place de nombreuses motions de soutien provenant de tout le territoire, étaient suspendues sur des fils à linge.

Les militants de Solidaires avec leur chasuble

En attendant que ne débute le procès plusieurs intervenants se sont succédé sous le barnum pour y lire des déclarations (voir en fin d'article).

 

Intervention de Laurent Indrusiak avant son entrée au tribunal

 

Lorsque le secrétaire départemental de la CGT de l'Allier, son avocat et les témoins de la défense se sont engouffré dans le tribunal, ils espéraient bien pouvoir enfin s'expliquer à propos du tract et du mail à l'origine du procès intenté par les dirigeants d'Environnement Recycling. Mais avant même que l'audience du tribunal ne débute, on apprenait que dans la semaine précédente les avocats d'Environnement Recycling avaient demandé que plusieurs témoins soient récusés, parmi lesquels un médecin du Travail à la retraite, particulièrement pointu sur les questions de protections des salariés.

Selon toute hypothèse, c'est pour empêcher que le procès n'aborde les questions de fond qu'Environnement Recycling s'est arc-bouté sur des questions de droit dans le but de récuser, à la fois les témoins et les offres de preuves présentés par Maitre Machelon.

Or, sur ce terrain-là, l'avocat de la CGT a donné toute la mesure de son talent et de son expérience. Il faut dire, qu'avec l'aide d'un confrère, il avait passé tout le week-end a peaufiner un argumentaire juridique, particulièrement pointu à propos de la loi du 29 juillet 1881, et notamment des alinéas se rapportant à la diffamation. Aussi, sur la question du lieu de distribution du tract, alors qu'au départ le réquisitoire indiquait que la distribution concernait la commune de Domérat, l'arrêt de la cour de Riom, parlait ensuite de la ville de Montluçon. Une telle approximation ne pouvait que fragiliser la procédure engagée à l'encontre du représentant de la CGT de l'Allier. Et comme Maitre Machelon ne comptait pas faire de cadeau à la partie adverse (cette dernière ayant aussi tenté de faire invalider les témoins proposés par la défense), il fit valoir que certains témoins présentés par Environnement Recycling l'avaient été hors délai. En conséquence, il demanda lui aussi que ceux-ci soient invalidés par le tribunal.

L'avocate d'Environnement Reclycling a bien tenté de balayer les arguments de la défense d'un revers de la main, en faisant valoir d'une part que le lieu de la distribution du tract ne changeait pas grand chose à l'affaire et que même si certains témoins avaient été désignés hors délai, la juge disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour accepter qu'ils puissent témoigner. C'était oublier un peu vite qu'il fallait tout de même qu'il existe de bonnes raison pour déroger à la règle. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le ministère public s'est rangé du côté de l'argumentaire développé par Maitre Machelon. Dès lors, la messe était presque dite.

Il a fallu environ une heure pour que la cour délibère sur ces points de droit qui peuvent paraître anodin pour certains, mais garantissent pourtant le respect des règles de procédure pénale. Sur tous les points, la juge a donné raison à la défense. Le tribunal de Montluçon a donc annulé les poursuites, charge à la partie civile de faire appel de cette décision le cas échéant.

Sur le banc où avaient pris place les deux dirigeants d'Environnement Recycling ainsi que les quelques soutiens qui les accompagnaient, la décision a fait l'effet d'une douche froide et la belle assurance qui se lisait sur les visages de certains a fait place à la déception et l'incompréhension, car aucun d'entre eux ne s'attendait à un tel rebondissement.

Comble de la mauvaise foi, à la sortie du tribunal, Maitre Ouhioun a déclaré à la Montagne « On voulait montrer que les règles de sécurité étaient respectées, mais Laurent Indrusiak n’a pas voulu se justifier des propos qu’il a tenus », alors qu'eux mêmes avaient tout fait pour que le débat ne puisse avoir lieu en tentant d'invalider les témoins de la défense, ainsi que les offres de preuves que cette dernière souhaitait produire. Drôle de conception du débat contradictoire.

Le débat sur le fond, la CGT le souhaite toujours aussi ardemment, même si les responsables du premier syndicat de l'Allier préféreraient qu'il ait lieu dans d'autres lieux et en d'autres circonstances. La bataille pour la protection et la défense des salariés n'est de toute façon pas terminée. En témoigne l'épaisseur du dossier. En attendant, et puisqu'il ne semble pas possible d'échanger avec la direction par d'autres voies que celle de la justice, une plainte a été déposée par la CGT contre Environnement Recycling, afin que toute la lumière soit faite sur le respect des règles d’hygiène et de sécurité, et sur les conditions de travail des salariés. Les témoins sont prêts à se présenter à la barre, et les experts aussi.

 

Un dossier épais qui témoigne du travail de Maitre Machelon, avocat de la CGT



À l'extérieur du tribunal, l'annulation des poursuites a été accueillie avec soulagement. Alors que la nouvelle avait déjà filtré peu de temps après son annonce, "l'Internationale" a retenti devant le palais de justice. Pour l'anecdote, dans la salle d'audience l'un des deux dirigeants de l'entreprise demanda quel était ce chant. Quand son plus proche voisin lui répondit que c'était "l'Internationale", la stupeur se lut sur son visage, preuve que cet homme n'a semble t-il pas conscience de ce qu'il a déclenché et du symbole qu'il représente maintenant aux yeux de nombreux salariés.

Ci-dessous l'interview d'Agnès Naton, puis son intervention au nom des Comité régionaux d'Auvergne et de Rhône-Alpes, et enfin la déclaration de la confédération de la CGT :

 

Intervention d’Agnès NATON au nom des Comités Régionaux Auvergne et Rhône-Alpes, le 5 juin 2018, devant le TGI de Montluçon.

Cher Laurent, Cher-e-s camarades,

Au nom de nos deux comités régionaux Auvergne, Rhône-Alpes et des 12 unions départementales qui les composent, je tiens tout d’abord à t’exprimer Laurent, à ta famille, notre fraternité, notre solidarité et notre total soutien face à l’acharnement patronal dont tu es victime, en tant que militant CGT et premier dirigeant de l’Union Départementale de la CGT de l’Allier.
Le succès du rassemblement interprofessionnel d’aujourd’hui donne toute sa force à la devise historique de la CGT "Bien-être, liberté, solidarité".

Quand un militant CGT est attaqué, c’est toute la CGT qui est attaquée et l’ensemble du monde du travail qui est agressé.

Et nous le réaffirmons ici, avec vous, partout où les droits et les libertés sont menacées, les salariés ont su, savent et sauront, toujours, pouvoir compter sur la CGT. Jamais, nous ne banaliserons la criminalisation de l’action syndicale, les discriminations, l’atteinte aux droits, aux libertés, à la démocratie dans l’Allier comme sur l’ensemble de la région et du territoire national.
En Auvergne-Rhône-Alpes, la CGT est engagée aux côtés des syndiqués de l’Allier et déterminée, pour obtenir, tous ensemble, l’arrêt des procédures disciplinaires à ton encontre Laurent, ta relaxe, ta réintégration dans tes droits et ta dignité.


Après deux ans de procédure, notre camarade est cité à comparaître aujourd’hui devant le tribunal de grande instance de Montluçon pour une audience en jugement correctionnel sur le grief de "diffamation publique". Nous le disons haut et fort ! C’est un procès injuste, inique!
Le patronat de l’Allier veut faire de cette affaire un exemple, atteindre la direction de la CGT de l’Allier, la délégitimer aux yeux des travailleurs afin de renforcer la peur. Ils ont bien compris que la CGT ne cèdera pas dès lors que les intérêts et la santé des travailleurs sont en danger.
Depuis 2013, la CGT de l’Allier, avec son Union Locale de Montluçon, dénonce avec courage et détermination les conditions de travail scandaleuses de près de 200 salariés de l’entreprise "Environnement Recycling".


Leur seul délit et c’est l’honneur de notre syndicalisme, est d’avoir révélé au grand jour, les conditions de travail et les risques professionnels auxquels étaient soumis les salariés de cette entreprise.

En 2018, 250 ans après la révolution industrielle, quelle entreprise peut-elle encore justifier d’une telle situation infligée à ces travailleurs au mépris de leur santé et de l’environnement du territoire ?

"Environnement Recycling" a non seulement le devoir mais la responsabilité de prévenir et assurer la sécurité de la santé de ses salariés, au regard de la concentration des risques encourues par le travail humain dans cette filière.
Ces entreprises sont des entreprises d’avenir, créatrices d’emplois dans de nouveaux métiers car utiles à la planète, à la société et au développement de nos territoires. Mais elles ne peuvent se concevoir qu’à la seule condition de respecter la santé physique et morale des salariés. Sinon, elles deviennent condamnables !

Aujourd’hui, c’est "Environnement Recycling" qui devrait être sur le banc des accusés.
Combattre le mal travail, s’engager pour la prévention, l’éducation et la promotion de la santé au travail reste et demeure un défi majeur pour notre organisation syndicale. Un défi à relever sur chaque lieu de travail avec les travailleurs et tous les acteurs du territoire : Services de l’Etat, services de santé au travail, sécurité sociale, experts, et élus et mandatés pour obtenir le respect des droits et leur application, ainsi que des droits nouveaux.

Au plan régional, comme nous avons su le faire dans l’unité syndicale sur le plan régional santé au travail, nous devons investir chaque lieu où les intérêts du monde du travail sont en jeu dans notre région, avec de nombreux schémas ou plans prescriptifs et ils sont nombreux à structurer notre vie au et hors travail.

Le plan régional santé vient d’être adopté. La CGT sera amenée à donner un avis tout prochainement sur le plan régional de gestion et de prévention des déchets.

Nous proposons que les employeurs de cette filière renforcent le volet formation s’agissant de la prévention des risques.

Nous revendiquons d’inclure les enjeux de la santé en lien avec le plan régional de santé au travail, le plan régional de santé et environnement en mettant en avant :

• Les actions de prévention à la responsabilité de l’employeur : formation, équipements de protection collectifs et individuels.

• Un recensement des Établissement et Services d’aide par le travail intervenants et une attention particulière aux enjeux sanitaires les concernant.

• Une protection du droit d’alerte des salariés en cas de défaillance environnementale ou sanitaire de l’entreprise.

Je le réaffirme devant vous et devant ce tribunal censé rendre justice, le droit de se syndiquer, le droit de revendiquer, le droit d’intervenir et d’agir pour défendre ses droits et les faire respecter, le droit de grève, sont des droits fondamentaux qui ne sont ni amendables, ni négociables.

Ensemble, exigeons l’arrêt des pressions et la répression, les intimidations, toutes les formes de discriminations, le harcèlement et l’autoritarisme.

La CGT, et c’est notre fierté, a toujours été de ces combats-là. Ensemble, exigeons l’abandon de toutes les procédures engagées à l’encontre de Laurent Ensemble, exigeons sa réintégration dans ses droits et sa dignité Ensemble, exigeons le vote d’une loi d’Amnistie pour réparer les sanctions, les condamnations honteuses, les atteintes aux libertés de tous les salariés, militants victime de l’arbitraire patronal. Ensemble, donnons de la voix, plus nombreux à nos revendications, pour préserver et gagner de nouveaux droits, pour la justice et le progrès social.

 

Le tribunal de Montluçon annule les poursuites contre le secrétaire départemental de la CGT de l'Allier
Le tribunal de Montluçon annule les poursuites contre le secrétaire départemental de la CGT de l'Allier

Un grand merci aussi à Didier Ciancia Auteur/photographe qui nous a fait parvenir le résultat de son travail :

Tag(s) : #Montluçon, #Actualité sociale

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