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Mon compte-rendu de Nuit Debout Vichy

Alexis Mayet, qui apporte de temps à autre sa contribution à regard-Actu était présent à la première soirée de "Nuit debout" à Vichy, mais il n'est pas resté. Il nous explique pourquoi.

Mon compte-rendu de Nuit Debout Vichy
Mon compte-rendu de Nuit Debout Vichy

Lorsque j'ai appris qu'une initiative Nuit Debout était lancée à Vichy, j'ai choisi de mettre de côté mes a priori et mes inquiétudes, tant sur le lieu choisi, que sur les personnes qui en étaient à l'initiative, et encore sur les personnes qui pouvaient y participer. J'avais participé à la Coalition Climat 21 Vichy, initiée par les mêmes, dont j'avais trouvé qu'elle était pour partie passée à côté de revendications et de mots d'ordre, et qu'elle était en deçà des perspectives données au niveau national. Mais je n'y avais pas mis toutes mes forces, occupé à autre chose.

J'ai lancé une page facebook Nuit Debout Vichy, à la suite de cet appel de certains initiés (oui, on peut-être un initié, même en étant non-encarté), avec la volonté de populariser le rendez-vous de ce soir. On me l'a reproché, tant pis, Nuit Debout est à tout le monde, tout le monde qui veut changer la société vers plus de justice sociale et donc plus de démocratie.

La pluie jouant contre nous, et d'autres éléments de contexte, comme une date en dehors des jours de mobilisation contre la loi travail, ce rendez-vous fut d'abord celui de la noblesse de l'entre-soi. Je ne le dis pas péjorativement, je n'en fais pas une généralité. Mais j'ai retrouvé ici, des militants, d'anciens et actuels responsables politiques de gauche, et heureusement aussi, des animateurs d'alternatives concrètes et locales, et quelques personnes qui se posent des questions.

Parmi beaucoup, il y avait des défenseurs de cette idée que pour être un « vrai » citoyen, il faut vomir son engagement politique ou syndical, ou le mettre dans la poche, et que la seule bannière qui vaille, vide de perspectives concrètes, est celle de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

Parmi ces « apolitiques » et ces « vrais citoyens », il a des gens sincères, qui découvrent les discussions collectives et qui, dégoûté.e.s de l'action politique institutionnelle, ne veulent plus ni bannière ni de drapeau. Pour ceux et celles là, Nuit Debout est partout un espoir, car ce mouvement est politique, c'est un espoir issu de la mobilisation sociale que nous connaissons, qui elle aussi est politique. On apprend beaucoup dans l'action collective, j'y ai appris beaucoup. Mais, sont moins sincères, ceux qui, après avoir été des hommes d'appareils, parfois des hommes de pouvoir, se redécouvrent une virginité citoyenne, populo, sur le tard, alors qu'ils sont parfois responsables du rejet de la politique, par leur action institutionnelle, ou ceux encore, qui, dans cet entre-soi intellectuel, décident qu'il faut proposer au peuple une autre vision, la seule qui d'après eux peut le mobiliser, celle que la politique n'existe plus, que les affrontements du passé sont entièrement périmés. Et c'est pourtant tout le contraire que nous montre Nuit Debout partout dans le pays !

Je fais beaucoup d'erreurs et je suis sanguin. Mais je ne peux pas rester silencieux face à ce qui me révolte. J'aurai du ce soir, garder mon calme plus longtemps, et participer aux discussions jusqu'au bout, mais les dés étaient pipés, alors à quoi bon jouer ? Des dizaines de milliers d'étudiant.e.s et de lycéen.ne.s sont dans les rues, les manifestations sont grandes, et les salarié.e.s redécouvrent la lutte collective, cela ne suffit pas, il faut continuer, mais c'est un immense retour à la politique, et, pardonnez du mot, à la lutte des classes. Et cela, on en fait abstraction en ne centrant pas la discussion sur cette mobilisation, pas de la volonté des masses, mes des initiés.

Nuit Debout représente pour toutes celles et tous ceux qui considèrent que le système est injuste, et qui en tirent la nécessité de se battre pour le transformer, un espoir exceptionnel. Celui qu'après des années de silence, de dos courbés, le peuple se retrouve à nouveau pour renverser la table. Les Nuits Debout ont été pensées, organisées, par des militant.e.s qui ont cette conviction, et qui considèrent le mouvement contre la loi travail comme une chance, au-delà d'une nécessité.

A partir du film Merci Patron, qui pointe clairement la responsabilité du système capitaliste, et de discussions de salarié.e.s en lutte, de citoyen.ne.s en lutte sociale, avec l'expérience d'un État autoritaire qui frappe les militant.e.s, condamne les travailleurs/euses, sert les intérêts du grand patronat et une économie productiviste, Nuit Debout à pris corps.

Il est certain, et les Indigné.e.s espagnol.e.s l'ont démontré.e.s, qu'il est nécessaire, mais aussi difficile, de mener la lutte politique avec d'autres mots, avec des modes d'action et de discussion nouvelles. D'autant plus quand le système, l'exploitation et les oppressions sont toujours les mêmes, voire s'empirent. Mais c'est possible, et Nuit Debout, en se développant partout, y compris dans les banlieues populaires, le démontre. Seulement, il faut être d'accord sur le minimum.

Le minimum à Nuit Debout, c'est de lutter contre la loi travail, pour son retrait, de faire vivre la convergence des luttes, écologiques, sociales et démocratiques, c'est qu'il faut stopper les cadeaux aux grand patronat, et arrêter de croire aux promesses de responsables politiques qui servent des intérêts opposés aux nôtres, c'est que le peuple en lutte peut changer les choses. Ce minimum fait accord partout, mais il semble bien que ce soir, les initiés n'aient autre chose dans la tête que de parler de cette lutte en cours, et des moyens de la construire. Il fallait parler de comment faire localement, mais comment faire quoi ?

Pour que cela soit possible à Vichy, il ne faut pas faire des incantations sur la société civile, ni sur ce que nous pourrions faire ensemble localement, il faut faire converger les luttes, et comment les faire converger sans s'adresser d'abord à la jeunesse et aux salarié.e.s en lutte sur la base de leur situation propre ? Comment élargir sans s'appuyer sur ceux et celles qui sont déjà dans le mouvement. Et ce soir, les salarié.e.s en lutte, la jeunesse en lutte, n'étaient pas majoritaires, presque entièrement absent, à tel point que la place était laissée aux défenseurs/euses des gentils patrons, qui semblent-ils ne sont pas confronté.e.s à la réalité de l'oppression patronale.

Et surtout, il y avait ce soir, des militants d'extrême-droite dans la salle. Il faut arrêter la politique politicienne m'a-t-on dit, mais la lutte contre l'extrême-droite n'est pas de la politique politicienne, c'est une nécessité d'intérêt général. Certains militants d'extrême-droite sont difficiles à reconnaître, ceux de la clique à Soral, Chouard, Asselineau, des noms que les masses ne connaissent même pas toujours, les confusionnistes et les complotistes, de l'UPR notamment, dont un responsable était là ce soir. Ceux là sont nos ennemis mortels, pire que tous les autres, car ils préparent la récupération d'une colère légitime pour en faire le pire, bien pire que la loi travail ou le matraquage de militants, et que l'on ne s'y trompe pas, ils serviront le grand patronat si leur heure vient.

Les appeler citoyens et vouloir les traiter en égal n’enlèvera pas l'odeur nauséabonde de leurs convictions. Ce n'est pas en appelant l'aristocrate « citoyen » que son pouvoir a été renversé. Au contraire, notre camp social doit s'organiser, en parlant à tou.te.s bien-sûr, y compris à ceux qui se trompent de colère en votant FN par exemple, mais pas en discutant avec leurs agents, avec les petites mains conscientes de l'extrême-droite. C'est le ou la salarié.e, l'étudiant.e en lutte, le ou la privé.e d'emploi, l'intellectuel.le qui cherche la vérité et la dit, qui sont mes frères et mes soeurs que j'accepte d'appeler citoyen.ne.s debout, ou camarade, c'est le ou la salarié.e ou les jeunes non encore mobilisé.e.s que j'irai chercher ensuite, mais jamais je ne m'allierai pour cela avec des responsables politiques dont le drapeau est brun, comme les chemises des milices fascistes.

J'ai été syndicaliste étudiant, je suis militant politique, j'ai changé trois fois d'organisation, sans changer d'idée, je ne fais pas de fétichisme d'organisation, je n'ai pas de vulgate, mais un impératif, celui de transformer la société. Je ne suis ni un donneur de leçon, ni un récupérateur, je suis révolté. Voilà ma ligne de conduite. Voilà celle aussi, de ceux et celles qui se battent en se moment dans le pays, ceux et celles avec qui nous devons construire Nuit Debout.

Alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

Peut-être qu'aller voir Merci Patron le 28 avril à 18h30 au cinéma de Vichy ou le 3 mai à 20h30 serait une première étape. Peut-être qu'écouter ce que le copain de Fakir (Journal des initiateurs de Nuit Debout, à l'origine du film Merci Patron) qui sera là le 3 mai, va raconter serait intéressant. Peut-être que la famille Klur, brisée par le capitalisme, pas dans la fiction, mais dans la réalité, et qui relève la tête en luttant, peut nous apprendre quelque chose. Peut-être qu'il est utile de faire grève et manifester le 28 avril, et peut-être qu'à ce moment là, nous pourrons enfin, à Vichy, être vraiment des citoyen.ne.s Nuit Debout, et représentatifs/ves, au moins, et d'abord, de ceux et celles qui luttent, pour la répartition des richesses et la dignité, bref, pour l'intérêt de notre camp social.

Pas une seule concession à l'extrême-droite, toutes et tous pour le retrait de la loi travail.

Alexis Mayet, toujours debout.

Tag(s) : #Vichy

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