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L’implacable logique du néolibéralisme triomphant
L’implacable logique du néolibéralisme triomphant

L’Atelier de la Pensée recevait pour sa dernière rencontre de 2015 Christian Laval sur le thème « Faire émerger du Commun ». Christian Laval, sociologue, avec Pierre Dardot, philosophe, se sont engagés dans le pari fou, en ces temps où l’idéologie de marché a tout dévoré y compris l’avenir, d’imaginer un monde au-delà du néo-libéralisme, de trouver une issue, de faire émerger le commun pour faire révolution.

Leur réflexion et l'immense travail sur le commun sont motivés par le constat que partout dans le monde depuis une vingtaine d’années des mouvements naissent anti capitalistes et écologiques qui exigent de prendre les "communs" , d’établir le droit d’usage pour tous ceux qui co-élaborent et interagissent à une même tâche ou un même projet. Il est de fait qu’Internet a, par exemple, montré qu’il était une autre réalité au-delà de la propriété, de l’appropriation par quelques-uns, pensons par exemple a l’encyclopédie participative Wikipédia faite par tous et pour tous qui fait primer le droit d’usage sur celui de propriété, et qui démontre que la création d’un "Commun" se fait en le décidant et l’agissant.

Christian Laval développe une pensée précise, fournie, extrêmement documentée et ne mâche pas ses mots. Ainsi il n’hésite pas à dire que nous ne sommes plus au temps des prises de pouvoir pour changer, pour faire révolution, mais qu’il s’agit cette fois de trouver la sortie de ce système neo-libéral tournant sur lui-même, au profit d’une infime minorité et au détriment de tous, et combien plus mortifère qu’il ne l’était au temps de Marx : l’exploitation n’est plus une fin, le turbo-capitalisme du XXIe siècle "est en train de détruire les conditions de vie sur la planète et conduit à la destruction de l’homme par l’homme", assène Christian Laval. Accroissement des inégalités, appropriation des ressources naturelles, des espaces publics, du savoir et des réseaux de communication au profit "d’une petite oligarchie" …

Rien ne semble pouvoir arrêter "l’implacable logique" du néolibéralisme triomphant. Avec le "commun" compris comme principe politique, Christian Laval nous donne une hypothèse sérieuse et novatrice pour poser les conditions de "l’émergence d’une nouvelle façon de contester le capitalisme, voire d’envisager son dépassement". . La réflexion est dense, fournie, enthousiasmante, s’appuyant aussi bien sur les récents "mouvements des places" et "printemps des peuples" que sur les auteurs classiques.

Aristote fournit la définition du commun comme pratique consistant à produire, par le fait même de vivre ensemble, une législation et des règles de vie s’appliquant à tous ceux qui poursuivent la même fin. Dardot et Laval en font une dynamique, une « co-activité », donc une forme de rationalité issue de ses acteurs mêmes. Ce mot si… commun pourrait bien devenir la clé d’une société non plus de consommateurs ou d’usagers, mais de "coproducteurs qui œuvrent ensemble en se donnant eux-mêmes des règles collectives", des règles créant une "nouvelle raison politique" à substituer à la raison néolibérale triomphante.

Savoir générer échange, débat en développant une pensée complexe n’est pas donné à tout le monde, à Christian Laval, si, aussi les échanges furent aussi passionnants et riches que l’introduction du sociologue. Ainsi fut abordé le thème des énergies, de la complexité qu’il y a à développer des alternatives locales garantissant l’universalité de l’accès et du prix. Là aussi, il faut sortir du moule néo-libéral qui nous empêche d’instituer autres règles que les siennes considérées aujourd’hui comme logiques et naturelles, le néo libéralisme n’étant pas qu’un système économico-politique, mais une réalité anthropologique qui a transformé à son avantage les consciences humaines, les a infiltré jusqu’au plus profond.

Or pour ce faire, il faut le décider et l’agir. Comme faisait remarquer un autre participant, a été décidée et agie par exemple la Sécurité Sociale, un commun d’importance que petit à petit l’État démolit, dont il dépossède le mouvement ouvrier. Ainsi est apparue l’évidence que ce n’est jamais l’État qui crée du social mais la mise en mouvement de ceux qui décident ensemble, co-élaborent au projet et à sa mise en réel pour eux. Il est d’ailleurs assez compliqué pour la gauche de penser contre l’Etat, puisque nous avons toujours pensé que pour lutter contre le privé, contre l’appropriation, contre le capitalisme, et dans l’intérêt du plus grand nombre il fallait étatiser à tous crins.

Le concept de Commun permet en fait de sortir de cette arnaque qui chaque jour est un peu plus mise à jour par nos gouvernants successifs. Fut abordé également le thème essentiel de l’Ecole, moule collaboratif du système, et discuté la nécessité urgente de l’instituer autrement, d’apprendre le Commun aux enfants, de leur apprendre, l’engagement, la co-élaboration à la vie, à la réalité choisie. IL est aussi des tentatives existantes, des expériences en cours, marginales mais nombreuses. Les Animateurs de l’Atelier de la Pensée remercient chaleureusement tous les participants pour ce bouillonnement de réflexions et Christian Laval pour avoir su avec brio le susciter.

Nanou Ferrier

L'introduction de Christian laval

Vous pouvez retrouver l'intégralité du débat sur le site de l'Atelier ICI

Tag(s) : #Montluçon

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