Départementales, Garder le fil de l’espoir…

Le premier tour des départementales vient de se terminer que déjà les candidats restants en lice affutent leurs arguments pour le deuxième tour du scrutin. Ainsi va le modèle français qui ne donne le pouvoir de décision qu'aux vainqueurs et ne tient jamais compte, ou presque, de l'avis des minorités. Avec le temps, tout le monde semble s'en satisfaire et pire, beaucoup se disent que finalement, "c'est bien normal".

Dimanche prochain, verra donc se dessiner une majorité au Conseil départemental de l'Allier avec comme enjeu le maintien de la majorité actuelle ou bien le basculement du Conseil départemental à droite. Qu'en sera-t-il au final ? Regard-Actu a demandé à Paul Crespin, dont l'analyse est très appréciée en raison de son expérience sur le département, de nous éclairer sur l'issue de ce scrutin. Merci à lui 'avoir accepté de se livrer à cet exercice "de haute voltige".

Ce billet vient juste après celui de Michel Beaune, ancien secrétaire départemental de la CGT, dont le regard est celui que porte un acteur engagé du mouvement social sur les politiques. Ces deux visions parfois complémentaires peuvent nous aider à mieux saisir les enjeux qui sont devant nous. C'est sur cette base, que pourra s'instaurer par la suite, une réflexion collective qui nous permettra, du moins je l'espère, de regarder au delà de ces échéances après lesquelles les politiques demandent trop souvent aux citoyens de rentrer chez eux et de ne plus rien dire jusqu'aux élections suivantes. Et cela, ce n'est plus possible.

Philippe Soulié

A entendre les commentateurs du soir du premier tour, personne n’a perdu !!! Les messieurs-dames Valls, Sarkozy, Le Pen dans l’ordre, tous étaient satisfaits. Le PS subissait une nouvelle chute, le Front National n’était pas au niveau tant répété par les sondages, et les discordes dans le camp sarkoziste oubliées ! Tout « baignait » dans le jeu de la politique politicienne et aucun de ces gens émérites ne regardait la réalité en face. Comme si un électeur sur deux n’était pas resté chez lui, rassasié des promesses jamais tenues ! Comme si les colères sociales n’existaient pas et les inquiétudes d’avenir non plus ! Comme si l’invraisemblable politique d’austérité imposée d’en haut ne conduisait pas les départements, l’ensemble des collectivités locales dans le mur d’une impuissance sociale grandissante.

Oublié les décalages énormes entre les moyens donnés aux collectivités et les besoins énormes recensés sur le terrain où se dégradent l’emploi, les revenus, les retraites, les coupes sombres dans les budgets sociaux, la politique d’équipements... En ces soir-là, rien ne compte plus que de se lancer dans les ultimatums tous azimuts au nom des rassemblements entre républicains reconnus et non républicains dangereux pour l’unité du pays. Et dans ce cadre-là, le premier ministre ne fait pas dans la dentelle verbale : « unité, unité à gauche…. » répète-t-il à ses opposants de gauche, « entente républicaine contre l’extrême droite » assomme-t-il aux formations des droites coincées dans un Ni-Ni improbable à tenir…

Ce qui a été semé au premier tour se récolte au second dit-on dans le jargon populaire. Et bien là, les insuffisances du premier tour risquent fort de se répéter au second. Ainsi la vérité d’information durant la campagne pour les départementales aurait voulu que la liaison entre politique locale – celle dite de proximité – et politique nationale voire européenne, soit faite pour faire connaître la véracité des enjeux et faire comprendre l’intérêt de tel ou tel choix de programme. Dans la majorité de gauche sortante, le rappel nécessaire des bilans réalisés, se heurtait à l’impossible solidarité gouvernementale.

En Allier comme dans nombre d’autres départements, cette incompatibilité est clairement apparue et a gêné les mobilisations… A droite, toutes les démagogies les plus vives sont réapparues ! Oublié alors les surenchères lors des délibérations de la loi MACRON…

Oublié les gestions scabreuses départementales des années 2000… Au FN enfin, l’objectif visé n’étant pas ici de proposer une gestion différente des affaires locales mais de s’implanter pour d’autres visées ultérieures…

Dans les seconds tours, à l’exception du canton de Souvigny où le président sortant maintient sa prédominance avec 54 % des suffrages, il y aura 16 duels droite-gauche et 2 triangulaires avec présence du FN. L’examen des rapports de forces électorales et les réserves de voix avec des candidats dispersés du même camp, autorisent à donner un léger avantage à la majorité sortante composée de communistes, socialistes, écologistes et radicaux de gauche. Mais rien n’est vraiment fait, des incertitudes demeurent, à commencer la capacité à mobiliser les électeurs en ces temps de « grève civique ».

On peut ici, regarder avec plus d’attention ce qui se passera sur plusieurs cantons où l’issue peut être diverse et conditionner une majorité.

• A Bourbon l’Archambault où la droite espère progresser d’un tour à l’autre sans pourtant avoir de réserve annoncée. Ce canton est une terre de gauche suffisamment affirmée pour se dire que la gauche départementale possède un réservoir de voix permettant de l’emporter.

• A Lapalisse avec une triangulaire favorable dans les chiffres à la gauche, la prime au sortant peut jouer à moins que des ententes sordides ne se fassent entre la droite classique et le FN, qui sur ce secteur large de Vichy, est en place depuis quelques temps déjà.

• A Montluçon II comprenant Désertines, le second tour peut apporter une surprise en faveur des candidats Front de Gauche qui a reçu soutien marqué du Président du Conseil sortant auquel s’ajoute le désistement du candidat socialiste arrivé derrière. La dynamique est à gauche sur ce terrain qui avait encore il y a peu un Conseiller Général communiste.

Ce sont là des cantons où les seconds tours sont délicats à faire mais qui seront observés à la loupe, sans oublier de porter attention de ce qui se passera aussi ailleurs, par exemple pour le canton Moulins1 où le candidat PS aura aussi forte partie à faire face à la droite, avec cependant le bénéfice d’une bonne implantation.

Dans cette campagne électorale où les découpages des cantons restent assez délicats avec en plus la loi imposant des binômes de candidats homme/femme, il y aura des suites positives à donner. Par exemple, l’intervention des sensibilités féminines pour des droits et des parités à appliquer dans bien des secteurs de l’activité départementale, il est dommage que cela n’est pas été suffisamment relevé durant la campagne.

L’avenir est là qui nous tend la main.

Paul CRESPIN