La presse va mal. C'est un fait que plus personne n'ose contester. Outre le fait que la plupart des grands titres appartiennent à une poignée de milliardaires, la presse libre (ou qui tente de le rester) arrive à peine à survivre, d'autant que le souci d'indépendance incite beaucoup d'entre eux à refuser les subventions, la publicité et les prises de participation.
Cependant, certains se maintiennent grâce aux abonnements et en recourant à des appels aux dons quand les rentrées d'argent sont insuffisantes pour boucler leur budget. Mais le plus souvent pour rester à flots, ils n'y arrivent en fin d'exercice comptable qu'en jonglant avec les chiffres.
Des entraves au droit d'informer
Et comme si cela ne suffisait pas, les journalistes indépendants subissent une répression policière particulièrement violente lorsqu'ils exercent leur métier sur le terrain, comme par exemple lors des manifestations des Gilets Jaunes. Cela a été le cas pour Gaspard Glanz entre autres (lire ICI), mais aussi d'autres journalistes dont le seul tord était der filmer les scènes de répression policière (mais pas que) mettant en lumière la stratégie de la terreur mise en œuvre par le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avec l'appui et le soutien de l’Élysée.
En résumé, non seulement la presse libre n'est pas aidée, mais en plus, elle est entravée dans l'exercice de sa profession, alors que le droit à une information indépendante et pluraliste est normalement garantie par la constitution et par les conventions internationales signées par la France.
La liberté et les moyens alloués à la presse, parlons-en !
La situation est donc suffisamment alarmante pour que les citoyens s'en saisissent, et on ne peut que se réjouir quand c'est le cas. Dans ce sens, l'initiative de l'Atelier d'organiser un débat le lundi 6 mai, à 18h, salle St Vincent sur ce sujet va dans le bon sens.
Depuis sa création, les membres de l'Atelier ont souhaité mettre en avant un certains médias dont ils se sentent naturellement proches (L'humanité, réseau salariat, Politis, Cerises et Regard).
Même si nous ne figurons pas dans cette liste des soutiens, ce qui est normal puisque nous n'avons jamais été sollicités, Regardactu a toujours relayé les rencontres de l'Atelier, et parfois rendu compte des débats à proportion de nos disponibilités, et ce, afin de donner un maximum de résonance aux sujets de société qui sont régulièrement proposés à la réflexion citoyenne par cette association.
Une chose est certaine, nous sommes le seul média local à avoir consacré autant d'espace à ces échanges, que ce soit en relayant intégralement les annonces ou en rendant compte des échanges (sous forme écrite ou en vidéo). Dommage que L'Atelier n'en ait jamais fait mention dans ses écrits, même si c'est le droit de ses animateurs d'ignorer notre contribution.
Un débat légèrement orienté
Le titre du prochain débat organisé par l'Atelier le 6 mai prochain est « Quel droit à l'information pour savoir, débattre et construire ». Deux journalistes sont invités pour une présentation liminaire. Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef du journal l'Humanité, et Gérard Mordillat, ancien journaliste au journal Libération. Deux journalistes, deux grands titres nationaux.
Le journal l'Humanité est donné en exemple dans cette croisade pour l'indépendance de la presse et en faveur du pluralisme comme en atteste la présentation du débat :
« Aujourd'hui nos droits à une information vraie, une information qui fait éclater la vérité, sont en danger comme jamais. Le pouvoir des ultra riches a bien compris le rôle et l'impact de l'information. C'est pour ces raisons que le pouvoir de l'argent a investi d'énormes capitaux dans les médias afin de maitriser leur contenu. Il ne s'agit plus d'information mais de propagande pour servir les intérêts des capitalistes, pour tenter d'égarer l'opinion. Simultanément, le pouvoir utilise tous les moyens pour faire taire la presse progressiste, la priver des moyens d'exercer sa mission. Actuellement, c'est le journal créé par Jean Jaurès qui est aux prises avec les pires difficultés, le journal L'Humanité. Demain ce sera un autre. La volonté de ne pas renoncer à défendre les travailleurs, à leur soumettre des éclairages pour renforcer leurs actions, pour les aider à défricher des chemins pour construire une autre société doit être soutenue. »
En revanche, aucun média local ne sera présent lors de ces échanges pour rendre compte de l'importance de leur contribution à l'information au plus près du terrain et sur nos territoires, des moyens dont dispose cette presse de proximité et des enjeux pour une information locale indépendante et de qualité.
À la fin de cette soirée, il y aura probablement un appel aux dons pour sauver l'huma. Mais personne ne se demandera comment un journal comme regardactu* a réussi la prouesse d'exister depuis bientôt 10 ans (plus de 4 200 articles mis en ligne). Simplement en se reposant sur un petit collectif de bénévoles que l'on peut compter sur les doigts d'une main (avec quelques autres contributions occasionnelles). Et tout ça, sans avoir touché un centime depuis sa création. Cela mériterait bien d'être signalé au passage.
Ragardactu ne sera pas présent lors de ce débat, car la question des conditions de l'existence d'une presse locale libre, indépendante et de son financement ne figure pas à l'ordre du jour de ce débat. Pourtant, cette question est essentielle si l'on veut promouvoir un dynamisme démocratique au niveau de nos territoires.
*Regardactu fait parti de la CPML (coordination permanente des médias libres) qui compte pas loin de 80 médias libres et indépendants (dont Reporterre, Bastamag, LeRavi etc...). Beaucoup de ces titres sont des médias locaux qui survivent avec peu de moyens. Cette presse de proximité ne peut survivre que grâce aux aides et aux abonnements, car la plupart du temps, elle est rejetée par les pouvoirs locaux. Nous en savons quelque chose à regardactu, puisque nous sommes régulièrement écartés des invitations officielles et boycottés par nombre de partis politiques. C'est le prix de notre liberté, et c'est là notre seule richesse.