L'ambassadrice d'Israël en France semble ignorer les liens indéfectibles qui existent entre démocratie et liberté de l'information. Alors que France 2 s’apprêtait à diffuser le reportage intitulé « Gaza, une jeunesse estropiée », celle-ci a tenté de faire interdire sa diffusion en prétendant que cela risquait de mettre en danger la communauté juive en France.
Heureusement, la direction de France 2 a tenu bon et a refusé de céder à ces pressions inacceptables. Dans un communiqué, les syndicats de journalistes ont vivement réagi à cette tentative d'intimidation.
Ci-dessous, le communiqué de l'AFPS, suivi de celui du syndicat des journalistes :
Malgré d’énormes pressions, notamment celles de l’ambassade d’Israël et de quelques-uns de ses affidés, qui ne cessent de présenter toute critique des agissements criminels de l’armée israélienne comme relevant de l’antisémitisme et tout Palestinien comme « terroriste », la direction de France 2 a tenu bon.
C’est maintenant un très large public qui sait que l’armée israélienne tire sur les habitants de Gaza qui manifestent pacifiquement près de la barrière qui les enferme, pour les tuer ou pour les mutiler, n’épargnant ni les enfants, ni le personnel médical ni les journalistes. Elle tire en utilisant des munitions spécialement conçues pour provoquer des dégâts irrémédiables.
Ces habitants, parmi lesquels beaucoup de jeunes, expriment leur refus de voir leurs droits bafoués, leur refus de voir leurs rêves brisés et leur vie ruinée par le blocus inhumain que l’État d’Israël impose depuis plus de 11 ans aux 2 millions d’habitants de la Bande de Gaza.
Lorsqu’un État met l’apartheid et le développement de la colonisation dans ses lois constitutionnelles, lorsque le fait même d’être né sur cette terre prive les Palestiniens de tous leurs droits, lorsque le projet politique est de les déposséder de leurs ressources et de les priver de leur liberté, c’est la barbarie qui s’exprime. Elle conduit naturellement à la négation de l’existence et de l’humanité de l’Autre, qui n’est plus vu que comme une cible à travers les lunettes de visée des fusils.
Elle se traduit aujourd’hui, de la manière la plus brutale, par les tirs des snipers de l’armée israélienne dont nous avons pu voir les effets à travers le reportage. Nous avons pu mesurer la dignité, mais aussi la détresse, de toutes ces personnes mutilées, y compris des enfants, dont la vie a basculé par la volonté délibérée d’un sniper israélien et de son commandement.
Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité, a déclaré :
« Il faut que la société israélienne prenne massivement conscience de l’impasse dans laquelle elle est en train de s’enfermer. Cela ne sera possible que par une action résolue des citoyens et des États du monde entier. Au-delà de la campagne BDS qui s’impose plus que jamais, nous appelons toutes les personnes de conscience à refuser d’être complices de cette barbarie et à le faire savoir.
En ce qui concerne les États et donc le gouvernement français et le président de la République, les mots ne suffisent plus. Nous appelons à ce que la France exige l’arrêt des tirs contre les civils palestiniens et suspende immédiatement toute relation militaire avec l’État d’Israël tant que la lumière n’aura pas été faite sur ces crimes. La France doit aussi exiger la levée immédiate du blocus illégal de la Bande de Gaza et mettre clairement sur la table la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, tant que cet État agira à l’encontre du droit international et des droits de l’Homme. »
Il est temps, il est grand temps, de mettre fin à cette barbarie qui, de silence en complicité, va finir par tous nous engloutir.
Le Bureau national de l’AFPS
12 octobre 2018
Ce reportage peut être revu sur :
https://www.francetvinfo.fr/monde/palestine/gaza/video-gaza-une-jeunesse-estropiee_2977663.html
Rappelons que les parents de Razan Al-Najjar, jeune infirmière tuée le 1er juin par les tirs des snipers israéliens, sont actuellement en tournée dans toute la France avec le réalisateur d’un court-métrage à la mémoire de leur fille.
Israël: quand l’ambassade d’Israël en France veut imposer la censure
L’ambassadrice d’Israël en France, Mme Aliza Bin Noun, a exigé purement et simplement l’annulation de la diffusion par France Télévisions d’un documentaire Gaza, une jeunesse estropiée montrant les tirs assassins des soldats de Tsahal visant notamment de jeunes manifestants à Gaza qui réclament leur droit au retour.
Dans une lettre adressée le 10 octobre à Mme Delphine Ernotte, PDG de FTV, l’ambassadrice somme « d’annuler la diffusion ce reportage » en raison selon l’ambassade « de nombreuses sollicitations inquiètes des responsables de la communauté juive française ».
La diffusion du documentaire jeudi sur les antennes de France 2 dans le cadre de l’émission Envoyé spécial a constitué une fin de non-recevoir au diktat intolérable de la mission diplomatique israélienne qui agit au mépris de la liberté d’expression pour nier une seule vérité : celle des tirs de son armée contre les manifestants qui survivent dans la prison à ciel ouvert qu’est devenu Gaza du fait du blocus du gouvernement Netanhyaou.
Mme l’ambassadrice, vous oubliez dans votre lettre de rappeler les chiffres de la répression contre les manifestants : 200 morts et plus de 5000 blessés, au nombre desquels plusieurs journalistes, qui malgré leur signe distinctif, sont visés intentionnellement par les balles israéliennes.
D’ailleurs, la lettre omet de mentionner que les auteurs du documentaire ont donné la parole aux deux parties : les portraits de jeunes gazaouites comme Alaa, 21 ans, amputé d’une jambe suite à un tir israélien, mais aussi l’interview d’un porte-parole militaire israélien.
Ce militaire défend la thèse habituelle : les manifestants sont « des terroristes », malgré les images montrant au soldat les tirs contre des enfants, des adolescents, des Palestiniens désarmés....
Pour les syndicats français de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, membres de la Fédération internationale des journalistes, première organisation mondiale de défense des journalistes avec 600.000 membres), cette volonté d’imposer la censure contre un média en France est une ingérence grossière inadmissible d’autant qu’elle est contraire à la liberté d’expression et au pluralisme d’opinions contenus dans la Charte du Conseil de l’Europe.
L’ambassadrice devrait en revanche exiger de son gouvernement qu’il respecte les droits des journalistes palestiniens à circuler librement et à pouvoir faire leur métier au lieu d’être victimes de la répression des services de sécurité : en témoignent les arrestations, les détentions, les bris de matériels. Mais aussi nos collègues tués ou blessés à Gaza dans la couverture des manifestations.
La liberté de la presse est un droit universel.
Le 12/10/2018