
Un peu plus de 500 personnes ont défilé hier de la Gare de Montluçon jusque sur le parvis de la mairie avec comme slogan « Sauvons nos trains ».
En arrivant sur les lieux, une petite surprise attendait les élus. Les cheminots en grève depuis plus de 3 semaines avaient accroché unes pancarte sur le fronton de la gare pour rappeler le sens de leur combat :

Les Maires et autres élus défilaient en tête de cortège, ceints de leurs écharpes tricolores suivis de prês par les adhérents de l'association « Montluçon de l'ombre à la lumière », alors qu'en queue de cortège défilaient les élus de l'opposition (PC, PS, verts) et l'autre association, le CODERAIL. En revanche, aucun drapeau syndical dans cette manifestation, et les groupes d'actions des insoumis étaient absents eux aussi, comme ils l'avaient indiqué la veille par voie de presse.







À la fin de manifestation, Frédéric Laporte, s'est pourtant félicité du succès de cette marche, avant de passer la parole aux deux associations de défense du rail, puis au Président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et enfin à la députée, Laurence Vanceunebrock-Mialon. Des interventions que vous pouvez écouter en visionnant la vidéo ci-dessous :
Le samedi 26 mai, Christophe Guerreiro, Président de l'association « Montluçon, de l'ombre à la lumière » a proposé de remettre le couvert pour une nouvelle marche citoyenne, même heure, même endroit. Reste à savoir si les organisateurs arriveront à faire mieux que cette fois-ci.
Ci dessous l'intégralité de l'intervention du Coderail lors de cette marche citoyenne :


Intervention du CODERAIL lors de la marche citoyenne
« Sauvons nos trains » le 28 avril 2018.
Le CODÉRAIL tient d'abord à préciser, s'il en est besoin, qu'il est ici aujourd'hui à sa place, comme il serait à sa place lors d'initiatives similaires organisées par d'autres. Le CODÉRAIL ne détermine pas sa position en fonction de celle de telle ou telle formation politique. Il ne choisit ni ses opposants, ni ses soutiens. L'adhésion au CODÉRAIL n'est soumise à aucun examen ouvrant ou fermant la porte de notre association. Notre but est comme le dit notre banderole : «Moderniser et développer le transport public ferroviaire pour l'avenir économique de nos régions». Nous ne sommes pas apolitiques, mais indépendants. Pour autant, si nous disions ici aujourd'hui que, malgré un constat partagé, nous soutenons les mêmes solutions, vous ne nous croiriez pas. Et vous auriez raison.
Dans bien des domaines tels que l'éducation, la santé, la dépendance, l'énergie, le numérique, la justice, les politiques publiques placent les territoires ruraux ou semi-ruraux dans un état de sous-équipements manifeste et privilégient les grands centres, les métropoles. En fait, nous savons qu'il va abondamment pleuvoir là où c'est déjà mouillé, voire détrempé. Et la politique des transports n'échappe pas à la règle, bien qu'elle ait été placée, en alternance, sous l'autorité de toutes les sensibilités politiques, exceptés les extrêmes, depuis quarante ans. Et nous faisons le constat qu'au plan ferroviaire le bilan est tout à fait accablant. La situation ferroviaire du bassin de Montluçon est à ce point gravissime que nous nous demandons de quoi nous nous sommes rendus coupables pour mériter un tel acharnement.
Nous pensons qu'une réforme est nécessaire mais que celle votée par une confortable majorité à l'Assemblée Nationale n'est pas de nature à inverser la situation vécue en région montluçonnaise.
Elle repose sur des préalables : le changement de statut de la SNCF, l'ouverture à la concurrence, l'évolution dans le temps du statut des cheminots, et depuis peu la filialisation du fret. Les négociations entre Organisations Syndicales et gouvernement en sont bloquées. Le tout assorti d' une éventuelle reprise d'une partie de la dette du système ferroviaire à partir de 2020.
La dette du système ferroviaire, dette d'État, se monte à 57 Mrd€ dont 47 à SNCFRéseau
; elle augmente de 3 Mrd€ par an et impose 1,7 Mrd€ de frais annuels que la SNCF ne peut injecter dans l'entretien du réseau. Elle s'est creusée au fur et à mesure de la construction des Lignes à Grande Vitesse et de la mise aux normes des parcours terminaux classiques utilisés par les TGV, ce qui a accaparé l'essentiel des investissements au détriment du réseau classique. Un simple calcul nous fait dire que d'ici 2020, la SNCF s'acquittera de presque 5 Mrd€ de frais qu’une reprise immédiate de la dette éviterait. Mais il faut savoir que quand SNCF-Réseau emprunte 100 €, 41 € vont à l’entretien du réseau, et les 59 restants sont des frais financiers !
Le réseau ferré appartient à la Nation. Il n'y a pas les petites lignes et les autres. Les lignes SNCF ont toutes le même statut. Elles ne se différencient que par le volume des circulations qui les empruntent. Reste que sur 9 000 km de lignes que le rapport Spinetta propose de fermer, 4 400 km se situent dans 3 régions, Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Auvergne Rhône Alpes, soit la totalité du Massif Central.
De quoi dépend leur pérennité ? D'abord de la volonté politique affichée et par l'État et par les Régions, ensuite des moyens dont elles disposent au sein des montages financiers issus des Contrats de Plan État Régions 2015/2020. En 2018, à mi-parcours, l'État n'a provisionné globalement, qu'un tiers de ce qui a été contractualisé (1,5 Mrd€ sur 4,8 Mrd€). Ces sommes au demeurant importantes, n'ont souvent pour effet que de maintenir ces lignes « circulables ».
Mais chacun sait que si leur état présent et futur n'offre pas de meilleures performances que celles de 1970, elles seront peu utilisées parceque peu attractives et resteront en grand danger de disparition. Elles ne survivront que si un programme autrement supérieur et novateur leur est appliqué.
Ne nous dit-on pas en Région Centre Val de Loire que 50 M€ sont nécessaires à la régénération de Montluçon-Bourges et que si l'État ne les prend pas en charge la pérennité de cette ligne n’est pas assurée au-delà de 2025 ! C'est la preuve que rien ne nous dit qu'elles ne vont pas fermer ! Que deviendraient alors les ateliers de wagons d’Orval ?
Le gouvernement, grand seigneur, (écrivez ça comme vous voulez) dit que cela ne peut se décider depuis Paris. Alors, il laisse aux Régions qui ne souhaitaient pas cet inattendu transfert d'autorité, le privilège d'annoncer la « bonne » nouvelle !
En fait, les lignes sont fermées ou suspendues par manque d'entretien sans que la moindre étude socio-économique ou de marché voyageurs et fret n'en ait vérifié la pertinence.
• Lapeyrouse-Volvic jugée inutile, en plein Grenelle de l’Environnement, alors que Rockwool et Aubert et Duval sont directement reliées au rail, ça pose question.
• Montluçon-Ussel jugée inutile, en plein Grenelle de l’Environnement, alors qu'une entreprise de la filière bois initiait un projet à Létrade et que l'établissement thermal de Évaux-les-Bains se lamente de la diminution de ses curistes, ça pose question !
Ironie de l'histoire, la voie entre Montluçon-Ussel doit sa rapide et forte dégradation au transport fret de granulats destiné à la construction de l'A89 !
En quoi la réforme serait-elle la garantie de retrouver rapidement entre Montluçon et Paris les temps de parcours d'il y a 30 ans ? (2h59 en 1988, même 2h53, trajet certes éphémère en 1998). Aujourd'hui c'est 3h20 quand tout va bien, mais c'est pas souvent, et plutôt 3h45, et ce qui est malheureusement trop fréquent. En quoi la réforme serait-elle la garantie de conserver les trains directs entre Montluçon et Paris ?
En quoi la réforme serait-elle la garantie de revenir sur cette absurdité d'avoir confié les Trains d'Équilibre du Territoire aux Régions, ce qui fait de Montluçon le terminus de Bordeaux-Lyon ?
Condamner Bordeaux-Lyon, c'est mettre en péril Montluçon-Paris en faisant de Montluçon un cul de sac. Et nous considérons que si Montluçon tire une grande partie de son économie de la croix autoroutière A71/RCEA, la modernisation de la croix ferroviaire Montluçon-Paris/Bordeaux-Lyon peut permettre un nouvel élan économique.
Et puisqu'il est question de relier les métropoles entre elles, nous disons CHICHE ! en reliant Bordeaux à Lyon par Limoges et Montluçon plutôt que par Paris ou Toulouse ! En quoi la réforme serait-elle la garantie de la fin des ralentissements de vitesse des trains à 60 km/h sous le pont de la Ville-Gozet, 60 km/h entre Montluçon et Commentry, 40 km/h à Lapeyrouse ? Savez-vous que sur plus de 5 000 km de ralentissements recensés, 10 % sont chez nous ? Savez-vous qu'entre Montluçon et Vallon, la moitié du parcours est encore équipée de rails et de traverses datant de 1950 ?
Nous citons souvent ce paradoxe: On baisse à 80 km/h la vitesse sur route parce
qu'il y a trop de voitures. À contrario on baisse aussi à 80 km/h la vitesse des trains parce
qu'il n'y a pas assez de trains !
C'est le peu de circulations qui sert à justifier le faible entretien des lignes. En quoi la réforme permet-elle de revenir à la tarification au km afin de sortir du maquis actuel de la tarification souvent abusive ? En quoi permet-elle une harmonisation de la tarification entre les Régions désormais libres de fixer leur propres tarifs ? En quoi permet-elle la réouverture des guichets à Montluçon à chaque départ ou arrivée d’un train ?
Quant à l'ouverture à la concurrence, quoiqu'on en dise, elle n'est toujours pas rendue obligatoire par le règlement OSP1 (article 5, §4bis) et nous savons qu'elle va créer d'importants conflits d'usage. Et puis sur l'infrastructure actuelle, les trains qu'ils soient publics ou privés ne rouleront pas plus vite ! On a d'ailleurs de la peine à imaginer de nouveaux opérateurs ferroviaires s'étriper, s'entre-déchirer pour s'accaparer le trafic « juteux » de Montluçon-Bourges, Montluçon-Clermont ou Montluçon-Limoges. 1 Obligation de Service Public de la Communauté Européenne.
La raison d'être du système ferroviaire, ce qui fait son efficience, c'est l'imbrication des lignes entre elles, garante de l'effet réseau. Comme dans le numérique, on va vers la création de zones blanches mais ferroviaires celles-là.
Comment imaginer un territoire comme le nôtre sans transport ferroviaire. Que sont devenues les déclarations vertueuses du Grenelle de l'Environnement, des Conférences Environnementales, de la Transition Écologique, de la COP 21, 22, etc... Les transports
globalement sont responsables de 30% des émissions de GES2. La part du rail n'y est que
de 2%. Les coûts externes liés aux transports s'élèvent selon une étude de 2011 au niveau
de l'Europe des 27 + Suisse et Norvège à plus de 750 Mrd€ (pollution, accidentologie,
congestion) sans qu'aucune mesure ne modifie la politique européenne des transports
excepté la mise en place de l’écotaxe comme par exemple en Allemagne et en Belgique.
Si l'on respectait l'environnement autant que l'on en parle, ce serait plus efficace. Le CODÉRAIL, sur le conflit en cours, demande que des négociations soient rapidement engagées afin qu’usagers et entreprises retrouvent leur activité normale. Encore que, en dehors des jours de grève, la circulation des trains ne reprend mystérieusement pas.
Le CODÉRAIL revendique un Service Public Ferroviaire tel qu'il l'a prouvé dans le passé, à même de répondre aux besoins de mobilité des populations, aux besoins des entreprises par une offre fret efficace plutôt que filialisée, un Service Public Ferroviaire à même de répondre au besoin urgent de report modal de la route vers le rail et de répondre aux défis énergétiques et environnementaux qui nous font face, pour peu qu'on lui en donne les moyens.
Le CODÉRAIL estime que la marche d’aujourd’hui ne peut être une fin en soi. Aussi le CODÉRAIL se porte à l’initiative d’un large débat public dans un avenir proche sur le dossier ferroviaire qu’appuieraient les organisateurs d’aujourd’hui.
Ce débat entend réunir élus de toutes tendances, population, usagers, entreprises, organisations patronales et syndicales, SNCF et cheminots. Nous souhaitons que cette
proposition reçoive un accueil favorable.