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Le gouvernement continue à mener ses réformes au pas de charge à un rythme tel que les acteurs de la société civile qui auraient dû en toute logique être associés à ces vastes chantiers ne le sont pas réellement. Car des rencontres, certes il y en a,  mais surtout pour donner l'impression que la concertation fonctionne de manière efficace.

En réalité, les multiples réunions organisées sur tous les grands chantiers de réforme (hôpital, éducation nationale, et maintenant justice) ne débouchent sur presque aucune inflexion des orientations définies par le pouvoir, comme l'ont parfaitement documenté les journalistes de Médiapart dans une série d'articles analysant la méthode choisie par le gouvernement (lire ICI).

Cette absence de prise en compte des arguments des acteurs qui œuvrent au quotidien sur le terrain provoque leur amertume et leur colère, d'où les mobilisations qui tentent d'émerger dans un contexte social très compliqué, notamment en raison des échecs des mobilisations de ces dernières années.

 

Avocats et magistrats rassemblés devant le tribunal de Montluçon le 15 février (photo RMB)
 

Les magistrats et les avocats rassemblés ce matin devant le tribunal de Montluçon pour protester contre une nouvelle (contre) réforme de l'institution judiciaire font partie de ces acteurs de la société civile qui n'ont pas été entendus et craignent pour l'avenir des tribunaux de proximité comme celui de Montluçon. Ceux-ci expriment plusieurs désaccords majeurs à la réforme en cours.

• Selon eux, le projet de création de tribunaux départementaux auxquels seraient rattachés les tribunaux de seconde zone, aurait pour conséquence de mutualiser des tâches et d'éloigner la justice de proximité des citoyens, ce qui serait particulièrement préjudiciable pour les catégories sociales les plus fragiles et se ferait également au détriment des conditions de travail des personnels travaillant dans les tribunaux.

• Le même projet prévoit aussi que les justiciables devront saisir la justice à l'avenir en utilisant l'outil internet, alors que 15% d'entre eux ne possèdent pas d'ordinateur, ce qui les exclurait à priori de toute possibilité de recours, à moins de se faire assister. Mais il y a pire. Cette disposition est évoquée alors que le parc informatique de la justice est « indigent », les réseaux « trop lents » et les logiciels « obsolètes », ce qui devrait aggraver la situation d'engorgement que les intéressés dénoncent depuis plusieurs années déjà.

• Mais ce sont surtout des moyens supplémentaires que la profession réclame à corps et à cri à la garde des Sceaux. Le budget de la justice ne représente que 1,8% du budget public annuel, soit 64 euros par habitant et par an. C'est beaucoup moins que des pays dont l'économie est comparable, à tel point que la France ne se situe que vingt-troisième position sur vingt-huit en Europe, pour le pourcentage du budget public accordé à la justice. C'est dire qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour combler le retard de la France.

Ce mouvement va-t-il s'inscrire dans la durée avec une vraie volonté de faire bouger les lignes, ou va-t-il faire pschitt, pour reprendre une célèbre expression de Chirac ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il n'empêche qu'il s'ajoute à la grogne sociale qui grandit dans le pays et participe au désenchantement de tous ceux qui avaient pensé un instant, qu'avec ce nouveau Président (ni de droite, ni de gauche, mais surtout pas de gauche), tout allait changer en mieux dans le pays, et découvrent naïvement maintenant que ce dernier ne fait que prolonger (en l’aggravant) les politiques de ses prédécesseurs qui se sont toujours plié aux injonctions de la Commission européenne, qu'ils soient Républicains ou socialistes.

Là où la Grèce n'était qu'un vaste laboratoire pour les libéraux, la France est le grand chantier par excellence de la casse sociale qui servira ensuite de référence indépassable pour tous les pays européens, si aucun mouvement social de grande ampleur ne parvient à les en empêcher. Dans le cas contraire, il nous faudra faire le deuil de tous nos services publics « à la française » comme disent certains, et accepter de subir la loi d'airain de ceux qui nous gouvernent... même les avocats et les juges, tout notables qu'ils soient...

Philippe Soulié

Tag(s) : #Montluçon, #Actualité sociale

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